|
LE DERNIER LOUP BRETON En 1993 et 1994, les élèves de CM1 et CM2 de l'école publique du bourg ont comme instituteur, le directeur de l'école Jean Claude LE DREZEN. Ils travaillent avec lui sur le thème du loup, avec l'aide de l'historien Jakez Cornou. Ce travail produira un conte publié sur le
site Internet de l'USEP de l'école, plus connu sous le nom de LOUSTIC. Mais
trop peu de gens A la lecture de ces pages, personne ne sera surpris que ce travail ait obtenu un prix national de l'OCCE. Bravo les enfants ! AVANT PROPOS Nous avons travaillé toute l'année sur le
thème du loup, ses histoires, sa vie et ses relations difficiles avec son pire
ennemi, ... L'HOMME. Ce livre va vous dévoiler la magnifique histoire d'un loup
réellement recueilli par une famille habitant Roscouré à Combrit et ayant
réussi à le domestiquer, en 1865. D'autre part, les derniers loups officiellement tués en Bretagne l'ont été dans notre commune en 1898, à Quilien, une ferme sur la route de Quimper. A partir de faits authentiques (nous nous sommes rendus aux archives départementales à Quimper), nous avons donc réalisé cette histoire qui fait revivre notre passé, pas si lointain, où les loups hurlaient encore dans notre commune. Nous avons des correspondants en Allemagne et
nous avons voulu connaître les histoires de loup dans leur pays, car ils
habitent en pleine Forêt Noire. Ils organisent un carnaval en février, peuplé
de sorcières et d'animaux qui l'hiver effrayaient les habitants de cette grande
forêt. Septembre 1993, maison de retraite de Combrit. Les élèves de l'école présentent aux personnes âgées leur travail sur le loup. A la fin de l'après-midi, vers 16 h, un
vieillard de plus de 95 ans se leva d'un seul coup et d'une voix caverneuse se
mit à nous raconter l'histoire extraordinaire qui était arrivée à son père,
Jakez Le Bellec. Nous sommes tous restés étonnés par ce vieux monsieur qui paraissait dormir depuis notre arrivée mais qui maintenant semblait revivre quelque chose d'important pour lui et toute sa famille. Les mots sortaient de sa bouche comme d'une fontaine qui se serait débouchée un beau jour... "Je n'ai pas souvent raconté ce que je vais vous dire et pour moi c'est un peu de ma vie que je vais vous dévoiler", nous dit Jos Le Bellec en se levant et sa grande taille donnait encore plus de poids à ce secret qu'il nous dévoilait. "Ma famille habite Roscouré depuis 1520
et vous savez que notre ferme est très isolée à l'est de Combrit, à plus de
quatre kilomètres de toute habitation. Voilà ce que m'a raconté Jakez : "L'hiver 1865 avait été terrible et toute la région avait souffert d'un froid précoce et épouvantable, au point que nous ramassions les poissons morts le long des berges gelées de l'Odet. Nous n'allions pas à l'école tant le vent d'est sifflait et étouffait le pays sous un un épais manteau de gelée et de brumes. Le matin, toute la famille restait bien au chaud dans la pièce commune de la grande maison où Jakez et ses cinq frères et quatre soeurs vivaient. Seul Youenn le père se levait de bon matin
pour nourrir les bêtes et il allait avec sa brouette jusqu'au village livrer le
lait frais. Par les carreaux givrés, je distinguais le
gros brouillard qui montait de la rivière avec la marée, et la fumée, qui
descen- dait de la cheminée, paraissait s'ajouter à cette lumière opaque. A l'ordinaire, l'arrivée de mon père
accélérait le lever de toute la famille qui attendait ce moment avec beaucoup
d'impatience : le pain frais du matin était notre seule joie de la journée et
quoique notre famille n'était pas la plus pauvre, nous mangions presque
toujours les mêmes repas : soupe, pain, des oeufs et un peu de viande le
dimanche. Mais aujourd'hui, mes frères et mes soeurs ne se réveillaient pas. Etant l'aîné, je me levais souvent un peu avant eux pour aider ma mère à préparer la tablée et à nourrir les poules et les lapins. Aujourd'hui, j'avais dix ans et je me sentais plus responsable et presque un homme. Les bruits de fer approchaient et j'entendais tout d'abord plaintifs et puis plus forts de petits cris comme un jeune animal qui se plaignait. Je courus à la porte de la maison et l'ouvris en grand. Je vis mon père dans sa grosse pelisse verte toute crottée de la boue du long chemin et, entre les pots de lait, dans une grosse couverture une petite tête brune avec de minuscules yeux très noirs qui me regardaient avec frayeur. Je crus d'abord que c'était un petit chien mais Youenn, mon père m'expliqua qu'il avait trouvé un terrier en abattant les grands chênes près de l'anse du château, la semaine passée et il avait entendu des cris plaintifs venant d'une tanière sous la souche d'un arbre abattu. Youenn pensait que la mère avait dû être tuée, mourir de maladie ou de froid et son pauvre rejeton demeurait seul. Au bout de huit jours et après l'accord de ma mère, mon père avait décidé de m'offrir pour mes dix ans ce jeune animal qu'il avait tout de même montré au médecin du village, Monsieur Castric. Celui-ci avait prévenu mon père : c'était un louveteau ; il lui avait conseillé de le tuer car ici comme ailleurs le loup avait très mauvaise réputation. Mais Youenn avait ses idées et aimait bien montrer sa différence: il n'appréciait pas les chasseurs et soignait souvent les animaux blessés par les braconniers. Comme les gens de la campagne, il adorait la nature et la respectait beaucoup. Il connaissait toutes les cachettes des bois alentours, les gîtes des lièvres, les traces des chevreuils... Les loups n'étaient pas fréquents mais nous
les entendions plus que nous ne les voyions ; l'hiver, pendant les grands
froids, ils venaient près des fermes pour tenter d'attraper quelques poules ou
les restes de notre nourriture, derrière la maison. 150 francs la louve pleine, Un de nos oncles du Haut Combrit, Lomig Cariou, était lieutenant de louveterie et il participait régulièrement à des battues à loups dans tout le département. Inutile de vous expliquer que Youenn et Lomig
ne parlaient pas souvent de ce sujet brûlant mais ils s'entendaient bien par
ailleurs. Les gens du village se moquaient parfois de mon père en le surnommant parfois "loup - garou" mais tous le respectaient car ils reconnaissaient son savoir et son amour des animaux. Lomig pensait lui que les loups étaient une créature conçue par le diable et que moins il y aurait de loups, et plus l'homme serait heureux. Il adorait, lorsque nous allions chez lui, nous raconter des histoires terribles et sanglantes où des loups dévoraient des enfants et leur mère. J'en ai fait comme mes soeurs de terribles cauchemars mais mon père avait une sainte horreur de ces sornettes qui, disait-il, n'avaient jamais existé. Youenn, mon père souleva alors la pelisse de laine où se cachait le jeune animal qui essaya de se dissimuler. Les chiens de la ferme vinrent aux nouvelles et après avoir senti "la bête" reculèrent puis aboyèrent comme si une haine ancestrale les avaient poussés à rejeter ce qui pour nous n'était qu'un de leurs cousins. Je pris délicatement le jeune loup dans mes
bras et en le caressant; je le calmai car il était tout grelottant de peur et
de froid. à suivre...
|
Notre siège social : Kilien 29120 -
COMBRIT Tel : 02.98.56.45.00 |