Les chemins de sable

par Pierre PRIMOT

Pierre PRIMOT de Sainte Marine livre pour "AR BANNOUR" ses connaissance de l'activité et de l'histoire des sabliers, une image qui fait partie de notre région mais qui reste peu connue des habitants et de la commune. Ce rapide survol vous donnera sans doute envie d'en savoir plus, nous vous conseillons pour cela de vous reporter à l'article qu'il a consacré à ce sujet dans le numéro 49 du "Chasse Marée".

A Combrit, à Sainte Marine et à l' Ile Tudy, pépinières de gens de mer, de nombreux marins ont choisi d'embarquer sur les navires sabliers de l'Odet.

L'activité d'extraction du sable et du maerl a débuté dans les années 1850, répondant à l'évolution de techniques agraires, et particulièrement à l'utilisation d'amendements marins en matière de cultures.

Ce ne sont pas de purs marins qui en eurent l'idée, mais des paysans-marins de Gouesnach. Ils commencèrent le commerce du sable et du maerl pour eux-mêmes et les exploitants voisins.

Ils achetèrent d'anciennes chaloupes sardinières de Douarnenez ou de Concarneau, transforment leur plan de voilure en ajoutant un foc sur bout-dehors et les arment de deux hommes pour l'extraction sur les sites de la plage de Sainte Marine, du Téven, de l'Ile Tudy, des îles Glénan

Les bagou-mao, comme on les appelle alors, s'échouent sur la grève une bonne heure avant la basse mer en ayant filé à l'arrière une ancre, les deux hommes d'équipage forment à la pelle un tas de sable au flanc de la chaloupe, puis le chargent à bord. Le chargement complet représente environ douze mètres cube. Le bateau à nouveau à flot, il faut déhaler en reprenant sur l'ancre arrière et repartir.

Commence alors le retour vers l'Odet, avec ses bonheurs et ses malheurs. Les chaloupes parfois chargées à l'excès rencontrent de temps en temps des conditions de mer peu favorables et il n'est pas rare que l'une fasse naufrage.

Une fois l'Odet embouqué, le courant, le vent et les karennou mènent le bateau vers Quimper, où souvent il faut qu'un homme descende sur le chemin de halage, s'attelle à un bout frappé en tête de mât et "tire à la cordelle" jusqu'aux quais du Cap Horn où il faut décharger à la main. Rude métier.

Il n'était pas rare à l'époque de voir sur les rives de la rivière des tas de sable laissés par les bagou-mao au plus proche d'un chemin forestier par lequel le paysan ayant commandé le sable viendrait le charger dans sa charrette attelée de un ou deux solides chevaux. Pour les gens de Gouesnach, une facilité existait en l'anse de Porz Meillou.

La dernière chaloupe a été achetée pour exploitation en 1945, mais n'a que peu travaillé, puisque dès 1930, des unités plus modernes avaient fait leur apparition. Celles ci étaient bien souvent motorisées, plus grandes et équipées d'une benne.

D'autre part, la demande s'était accrue du fait de l'utilisation du sable dans la construction, de la généralisation des amendements marins en agriculture . Quelques entrepreneurs avaient donc créé des armements contre lesquels les bagou-mao ne pouvaient lutter.

LE PROGRES

Certains bateaux sont des dundees ou des petites goélettes adaptées au travail du sable, d'autres sont d'anciennes gabares de Gironde. Ces bateaux conservent le gréement aurique dont la corne sert de mât de charge pour la benne à crapaud. Un petit treuil situé près du mât sert pour le fonctionnement de cette benne.

Un nombre de manoeuvres apparaissent au niveau de la corne et de son utilisation. On peut citer la caliorne, le martinet, le hale à bord et bien d'autres noms tous aussi typiques.

Les plus anciens se souviendront de certains bateaux s'appelant "Le Camille", "L'Ara", "L'Indésirable", " Le Perick", "La Louise-Jeanne", "Le Pont Aven", "Le Roger", "Le Patrick", ... appartenant aux armements Donat, Quillec et Drezen, Dervout ou Montfort.

La benne permet un travail sur l'eau car elle va chercher le sable quelle que soit la profondeur du gisement. Arrivé à la verticale de ce dernier, le sablier est maintenu par deux ancres affourchées à son avant, dès son positionnement correct, et à l'arrière deux autres ancres sont mouillées de la même manière par des marins dans une annexe. Le bateau est ainsi maintenu en position quasi fixe. Pour le déplacer, il suffit de choquer les deux ancres d' un bord et de reprendre les opposées. Cette technique s'appelle travail aux accores.

De nouveaux sites sont ainsi accessibles: l'extérieur des Iles Glénan, la Pointe de Trévignon, l'Ile de Sein, le Grazu devant Groix, l'estuaire de la Loire.

L'EVOLUTION

En 1952 un nouveau sablier, Le Destin est lancé, et crée l'événement car son mât est équipé non plus de haubans, mais d'un tripode métallique de maintien qui offre une plus grande rigidité lors des manoeuvres de travail. Tous ses successeurs seront ainsi conçus

Puis, dix ans plus tard, ce sont les commandes de treuil qui deviennent hydrauliques, ce qui permet d'installer une cabine en avant du mât pour abriter le treuilliste des intem- péries.

En 1970, double rebondissement dans le travail du sable. A Quimper, le déchargement ne se fait plus au Cap Horn ou au Quai Neuf, mais au Corniguel. Du point de vue technique, le mât de charge est abandonné au profit d'une grue de pont sur le nouveau sablier " Le Corniguel"

En 1976, grande révolution avec le lancement du "Kenavo" et l'apparition à son bord, en complément d'une grue de pont, d'un système de suceuse.

Du travail statique à la benne, on passe au travail dynamique, car le bateau ne mouille plus d'ancre pendant l'extraction, mais se déplace au dessus du gisement, le tube de la suceuse immergé, la tête reposant sur le fond, et un système d'aspiration-dépression amenant le chargement dans la cale. Cependant, ce type de travail ne peut se faire qu'à faible profondeur, à la limite de longueur de la suceuse.

En 1983, le dernier sablier en bois de l'Odet, le "Sant Vorand" est vendu. Aujourd'hui existent encore le "Jean-Michel", le "Penfoul", le "Banco", et le "Kénavo".

Trois ans après, arrive le "Penfret" équipé lui aussi d'une grue de pont et d'une suceuse. Depuis quelques années, il est l'unique sablier de l'Odet et dernier à ce jour descendant en ligne directe des bagou-mao.

Pierre PRIMOT pour AR BANNOUR

France 3 tourne

sur le travail des sabliers.

 

Pendant une semaine, autour du 11 novembre, une équipe de tournage dirigée par J.F. Périgot, réalisateur parisien originaire de Bénodet, est venue à Sainte Marine engranger des images sur le travail du sable, faisant ensuite une incursion à Landéda et Pontrieux pour compléter le sujet.

 

Le documentaire qui naîtra du tournage a pour base l'article paru dans le Chasse Marée, écrit par Pierre Primot qui pour l'occasion est devenu consultant de l'équipe.

 

La diffusion devrait avoir lieu entre la mi-janvier et fin février sur France 3 Bretagne, dans l'émission Littoral le samedi après-midi. On y verra les interventions de messieurs P. Biger , J. C. Campion, et H. Ferec.

Il est à noter que la production est elle aussi bretonne puisqu'assurée par Lazennec Bretagne de Rennes.

 

Une émission à ne manquer sous aucun prétexte pour les habitants de Combrit Sainte-Marine !

 

 

Notre siège social : Kilien 29120 - COMBRIT Tel : 02.98.56.45.00
e-mail : arbannour@free.fr webmaster : alain.breut@laposte.net