Les Moulins
du Pouldon
en Combrit |
Moulins à vents, moulins à eau, moulins mer, ils
étaient nombreux dans le Finistère, près de 2.000 dans le
département au début du siècle.
Depuis beaucoup d’entre eux ont disparu ; trop,
comme tous ces morceaux de patrimoine que nous laissons tomber en ruine.
Comment ne pas penser aujourd’hui à la gare de Combrit ?
Heureusement, les moulins ont aussi leur défenseur.
Jean ISTIN est un de ceux là. Comment oublier sa si fidèle rénovation
du moulin du Crec’h en Landrevarzec ?
Aujourd’hui après avoir écrit sur le moulin du
Corroac’h ("ArBannour", numéro 13), il nous fait découvrir
l’histoire du moulin du Pouldon, situé en bordure de l'anse du même
nom, en bordure de la route de Pont l’Abbé.
Le moulin du Pouldon est situé au fond de l’anse
du même nom, une des nombreuses anses de la rivière de Pont l’Abbé.
Au fond de cette anse aboutit le ruisseau qui prend
sa source dans la commune voisine de Tréméoc. C’est l'eau de ce
ruisseau qui, après avoir fait tourner les moulins de la Coudraie en
Tréméoc [],
de Trozerf []
et de l’Ecluse [],
faisait tourner le moulin du Pouldon, car, quoiqu’appelé moulin mer,
ce moulin n’a jamais été un moulin à marée pas plus que le moulin
de Lestremeur []
d’ailleurs. On les appelait ainsi car ils étaient situés à la
limite des hautes mers pour bénéficier d’une différence de niveau
maximum, le terrain étant relativement plat en amont. Par fort
coefficient de marée la mer, remontant sous le moulin, gênait le
fonctionnement des roues de ces moulins. |
UN MOULIN A ROUES HORIZONTALES |
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C’était un moulin à deux roues horizontales
placées dans une chambre à eau sous le moulin. Actuellement on voit
toujours la sortie d’eau. Chaque roue horizontale est composée d’un
coeur de 50centimètres de diamètre en chêne cerclé de fer, dans ce
coeur sont encastrées 16 cuillers de bois de 50centimètres. C’est l’ancêtre
de la turbine. Un axe de chêne carré vertical passe dans le coeur de
roue et est terminé par un "aiguillot" []
de fer qui tourne sur une "crapaudine". Cet axe est doté
à sa partie supérieure d’un fer carré de 10centimètres de section,
qui passant dans le presse-étoupe []
de la meule inférieure (dormante) fait tourner la meule supérieure
(courante). Ce système était largement utilisé dans les moulins de la
région, certaines de ces roues avaient été construites en fer ou en
fonte, abandonnant le bois.
L’eau passe donc sous le moulin après avoir été
accélérée dans une goulotte de bois ou de pierre en forme de tuyère.
Ce système peut fonctionner avec une hauteur de chute de 2mètres et est
assez performant. Etant donné que l’ensemble : roue, arbre, meule
supérieure tourne sur un système de pivot / crapaudine et cela sans
engrenage qui absorbe une part non négligeable de l’énergie, le jet d’eau
appliqué tangentiellement sur les cuillers de la roue fait tourner
aisément celle-ci.
Ce qui explique que le système se soit généralisé c’est
le coût nettement moins élevé du système à roue horizontale par
rapport à celui à roue verticale par dessus et par dessous.
Dans le cas du moulin du Pouldon la chambre à eau sous
le moulin est maçonnée en belles pierres de taille. Dans la maçonnerie
sont emménagées deux grosses rainures verticales qui reçoivent les
poutres de levage verticales servant à soulever l’ensemble roue / axe /
meule supérieure au démarrage et pour le réglage de la mouture.
L'emménagement de cette rainure est assez exceptionnelle pour être
soulignée.
Le moulin à eau du Pouldon était exploité
conjointement avec un moulin à vent bâti sur la colline dominant l’anse
côté Combrit. Ce moulin à vent appartenait au même propriétaire et
était affermée (louée) au même meunier. Cette combinaison de deux
moulins, l’un à eau, l’autre à vent n’était pas exceptionnelle le
long des côtes et permettait l’été en cas de manque d’eau de
continuer à moudre.
Les moulins à eau et à vent du Pouldon existent
toujours, mais ont perdu tous les deux leurs meules et mécanismes. Les
ouvertures du moulin à eau ont peut être été modifiées pour servir de
maison d’habitation. Quant au moulin à vent, son toit de chaume a été
remplacé par une bulle de Plexiglas qui le dénature, son environnement n’est
plus le même. Il n’y avait pas d’arbres à l’époque où il
fonctionnait, la butte était nue pour ne pas gêner le vent. |
En 1737, DE KERSALUN AFFERME LE BIDEAU A UN BON PRIX |
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L’existence des moulins du Pouldon est attestée dans
un acte concernant le moulin des Carmes de Pont l’Abbé daté du 4
février 1641, ce qui n’exclut pas que le moulin existait bien avant.
Le 20 mars 1737, le marquis Euzenou de Kersallaün du
Cosquer afferme à Hervé LE BIDEAU et frères pour 400 livres les moulins
à eau et à vent, actes passés devant le notaire Gueguen. C’est un bon
prix de fermage en comparaisons d’autres moulins de la région : Trozerf,
70 livres à la même époque. A cette époque une livre permettait d’acheter
environ 1kg de beurre). |
L’ASSASSINAT DE LA MEUNIERE
DE L’ECLUSE |
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Une "affaire" assez insolite a eu pour cadre
les environs du moulin du Pouldon. Les protagonistes de cette affaire
étant le meunier du Pouldon, Joseph LE FICHANT et la meunière du moulin
de l’Ecluse le 9 avril 1759. Voici les faits.
Joseph le FICHANT, revenant de faire sa tournée chez
ses vassaux (clients) rencontra Marguerite THOMAS montée sur un cheval et
menant un âne chargé de grains qu’elle venait de prendre chez les
différents vassaux du moulin du Pouldon. A cette époque la
"coutume" de Bretagne interdisait à tout meunier de
"chasser" chez les vassaux d’un autre meunier et autorisait le
meunier spolié à saisir les chevaux et grains du spoliateur. Le meunier
essaye de le faire. La meunière l’injurie copieusement et décampe,
elle était prise de boisson selon le procès-verbal. Le meunier lance
alors un caillou dans sa direction, il ne l’atteint pas mais la
meunière tombe de cheval, 10 jours plus tard elle décède. Le procureur
de Pont l’Abbé poursuivit, mais étant donné que les héritiers de la
meunière n’accusaient pas le meunier d’être la cause de la mort il
fut proposé en quelque sorte un non-lieu, d’autant plus que l’intempérance
de la meunière était connue de tout le pays et que le voisinage
témoignait en faveur du meunier. |
JEAN-JOSEPH
JEZEGABEL MEUNIER...
ET MAIRE EN 1809 |
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Jean Joseph JEZEGABEL, né le 15 juin 1775, fils de
JEZEGABEL et Jeanne PERROT (qui a acheté le moulin de Porzmoreau et y est
meunière) sera meunier au moulin du Pouldon et deviendra maire de Combrit
de 1809 à 1810. Il sera remplacé, comme meunier, par Pierre François
MOTTE qui avait 4 valets meuniers et 2 servantes, preuve que le moulin
était florissant.
Les moulins seront vendus par le marquis Euzennou de
Kersalaün - ses biens n’avaient pas été saisis nationalement à la
révolution - le 15 juillet 1813 (acte enregistré le 19 juillet 1813) à
Yves LE BRUN et Isidore VOLANT, lesquels revendront les moulins les 13 et
18 novembre 1819 (enregistrement du 20novembre1819) à Pierre BERNARD et
Bernard VIEC.
Différents propriétaires se sont succédés jusqu’à
nos jours, transformant ces moulins en moulins d’habitation.
Le 20 avril 1837, François MOYSAN, propriétaire des
moulins du Pouldon, afferme à Sébastien GUILLAMET ces moulins pour 9
ans. En 1999 est mort au moulin de Kerbenoch en Ploneour-Lanvern le
dernier meunier s'appelant lui aussi Sébastien GUILLAMET, probablement
descendant du meunier du Pouldon. |
GARREC, LE DERNIER MEUNIER |
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Au début du XX ème siècle , le meunier GARREC sera
le dernier meunier, le propriétaire étant toujours un MOYSAN. Il
semblerait qu’à l’époque l’état du moulin nécessitait de grosses
réparations - le moulin était pourtant doté de roues horizontales en
fonte -, l’étang était envasé, le système de vannage à revoir. Les
travaux ne furent pas entrepris et le moulin s’arrêta à une date qu’on
ne peut préciser.
En 1926, nous trouvons la famille TREPOS, locataire de
Monsieur DU CHATELLIER. Le moulin est devenu une petite ferme avec 5 à 6
vaches, des cochons et un cheval ; l’étang envasé sert de roselière.
Vers les années 1930, le moulin à vent qui s’était
arrêté de moudre en même temps que le moulin à eau vit ses meubles
vendus au moulin mer de Lestremeur, les ailes et les mécanismes avaient
disparu petit à petit. Du moulin il ne reste que la maçonnerie et les
quatre grosses poutres de support des meubles.
Les descendants de monsieur DU CHATELIER vendirent
séparément le moulin à eau et le moulin à vent, ils furent
transformés en résidences privées et le sont toujours
Le locataire TREPOS installa une petite roue verticale
à aube pour produire de l'électricité. Cette roue ne fit jamais tourner
les meules. Le moulin était donc bien un moulin à roue horizontale et il
le resta jusqu’à la fin. |
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