AL LEUR NEVEZ - L'AIRE NOUVELLE

Jusqu'aux années 1925 - 1930, Yann Ar Bannour, outre les informations habituelles, annonçait aussi du haut de son piédestal, un avis de LEUR NEVEZ à tel endroit, pour telle date, en général le samedi.

Per Jakez Hélias raconte avec force détails les péripéties de cette fête conviviale dans son MARC'H AL LORC'H ( Le cheval d'orgueil )en breton, le triomphe de la danse populaire, mais aussi danse de travail, où chacun s'appliquait, joignant l'utile au plus qu'agréable.

Il s'agissait de remettre en état l'aire à battre de la ferme, souvent bien détériorée.

Très tôt, vers 2 heures du matin, les premières charrettes déversaient leur contenu "d'argile à crapaud". L'aire a été bêchée, retournée et convenablement arrosée d'eau.

Le fermier a engagé les meilleurs sonneurs du coin, (en pays bigouden les frères Boissel de Tréogat) et mis en perce une bonne barrique de cidre.

En début d'après-midi les parents, amis et voisins sans compter les danseurs des paroisses alentour, affluent de toute part.

Les deux sonneurs," ar Biniouer hag an talabarder", juchés sur des barriques attaquent la première gavotte. "Ar penner", le meneur désigné par le fermier, assisté de son "Eil Penner" (2ème meneur) entraîne les danseurs non pas au hasard, mais d'après les coups d'oeil du maître des lieux, lui indiquant les endroits où la terre n'est pas encore suffisamment tassée.

Et le rythme de la danse s'amplifie jusqu'à devenir vite une sorte de frénésie.

Alexandre Bouet a écrit :"La danse est un exercice que le paysan armoricain aime avec passion, avec fureur". Il dit aussi avoir vu un jeune paysan plein de fougue et d'ardeur, la sueur se mêlant aux larmes sur son visage : il venait de perdre son frère et disait; "Je ne me divertis pas aujourd'hui, je remplis mon devoir, je suis ici pour travailler" "Labour al leur nevez", le travail de l'aire neuve était une prestation toute fraternelle.

Vers cinq heures, pause casse-croûte, puis l'on reprend de plus belle, et le cidre aidant, les esprits s'échauffent, la danse devient encore plus furieuse, les contacts plus virils entre les "penner" et les garçons des autres villages, soucieux de faire valoir leur talent et leur "startigen".

Cependant la bagarre est rare, c'est plutôt une provocation, un défi permanent.

Les filles ne sont pas en reste, héritières ou servantes, c'est là qu'elles font montre de leurs qualités de danseuses bien sûr, mais aussi de leur bonne santé, de leur courage et de leur élégance. Car l'aire neuve est l'une des épreuves sélectives en vue du mariage, et les mères n'étaient pas peu fières au retour de leurs filles, de nettoyer les "kotillen" bien crottés, avant de les faire sécher au vu et au su de tout le monde, afin que nul n'ignore que ces filles avaient été vaillantes "lorc'h" bigouden toujours?

Au moment où s'annonce le désormais traditionnel "MELL FEST NOZ" des DU à Kerloc'h Gwen le 3 mai, comment ne pas penser à ces pionniers bigoudens des "LEURIOU NEVEZ" et aussi aux légendaires SONERIEN DU, animateurs infatigables des noces et aires neuves dont le souvenir a été matérialisé en janvier dernier par la stèle de Kerambleis en Pont L'Abbé.

A setu berc'h déi e Kombrid d'an danserien. A BARZH PELL !

 

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