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Ar pilhaouer Pilhou d'ar pilhaouer Des chiffons pour le
chiffonnier Yann Ar Bannour et les autres villageois, avant même les incantations du "pilhaouer" ont entendu au loin le grincement insolite des essieux d'une charrette: celle-là n'est pas du pays. Le chiffonnier des Monts d'Arrée est arrivé chez les Bigoudens. La nouvelle s'est vite répandue. Chaque ménagère sort son tas de hardes précieusement mis de côté, et Yann lui-même rassemble les peaux de lapin bourrées de paille, ou les peaux de taupes clouées sur la porte de la grange, voire quelque ferraille. Le pilhaouer a sorti son "krog pouezer" sorte de peson, instrument un peu magique, un peu craint, car susceptible de variations de poids étonnantes, selon l'astuce de son utilisateur! Qu'importe, l'essentiel est d'obtenir en échange quelques bols ou assiettes, décorés du coq ou de la rose, ou encore, suprême cadeau: une soupière pour les trocs importants, après âpres marchandages. Une partie de cette vaisselle ira compléter la décoration du vaissellier du "penn cheur'h" de la maison, orgueil et rang à tenir pour la maîtresse de maison. Ces objets ne proviennent cependant pas des faïenceries de Quimper mais des fabriques d'Orchies, Saint Amand ou Sarreguemines. L'activité des chiffonniers a constitué un rôle économique important depuis le XVIème siècle en Bretagne et jusqu'à la fin des années 50. Le chiffon est en effet une matière recherchée et alimente les nombreux moulins à papier bretons; en outre le recyclage des tissus, de la ferraille, des crins, des peaux apporte un complément d'emplois non négligeable. Les chiffonniers ambulants, paysans pauvres des Monts d'Arrée et de la Roche Derrien, se sédentarisaient parfois dans un secteur bien déterminé, telle la famille Menez de La Feuillée qui louait une maison à Plouhinec et rayonnaient sur tout le nord du pays bigouden. Il y eut quelques exceptions de "pilhaouerien" originaires de la région. Ainsi la famille Joncour de Pont l'Abbé a exercé longtemps dans le pays bigouden sud.Un petit neveu assure encore la récupération et le traitement des fers et métaux à Pont l'Abbé. Le chiffonnier ambulant, en général peu considéré par les populations sédentaires, était toutefois assez bien admis, surtout auprès de la ménagère, toujours en quête à moindre frais de nouveautés "clinquantes" pour son intérieur et avide aussi de connaître les nouvelles colportées par des étrangers au pays. Quant aux maris, leur attitude, comme à l'égard des ta illeurs, est plus que méfiante et réservée.Il faut dire que la maîtresse de maison est souvent seule pour traiter avec l'étranger... Une chanson en breton raconte même que le "pilhaouer" a emmené la maman et que le père demande ses "boutouler" pour courir après eux !! La "Kanaouenn" la plus connue en pays bigouden et ailleurs est "ar pilhaouer" composée vers 1860 par un recteur de Loqueffret. Le moins qu'on puisse dire est que le chiffonnier en question est ostensiblement affublé de quelques menus défauts, à tel point que Marivonnig ne sera pas trop attristée lorsque "l'Ankou", un peu sollicité, viendra la délivrer de son époux. "Joa d'an anaon" tout de même" Paix à son âme"
Editions Skol Vreiz / Morlaix 1987
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