Yann , ar bannour, on l'aimait bien ! 
(Ar Bannour 2 - Juin 1996)

Au pays bigouden, jusqu'aux années 1945-50 chaque commune avait son crieur. Il officiait donc à la sortie de la grand'messe, en breton "evel just".

Seules les cités de quelque importance disposaient d'un tambour de ville, en général garde-champêtre se déplaçant de quartier en quartier, et ponctuant son roulement de tambour d'un tonitruant "Avis à la population".

Le "Bannour" du dimanche, quant à lui, n'avait pas de statut type, il exerçait une profession principale si l'on peut dire, et accessoirement d'autres activités. C'était presque toujours le bedeau ou le fossoyeur de la paroisse.

Quant à l'étendue de ces "casquettes", quelle diversité ! Jugez-en plutôt.
Yann, ar bannour d'une petite commune sud bigoudenne, solide quinquagénaire des années 30, le tok bouloutenn vissé sur la tête, assuré de sa "deskadurez" acquise sur le tas plutôt qu'à l'école, était l'homme providence et le missi dominici reconnu par tous.

Son activité principale : tailleur d'habit ( c'était marqué sur son livret militaire...). Et puis, bien sûr, bedeau (ar c'hloc'her), fossoyeur (touller ve'iou).

Et puis il y avait toute la palette accessoire : garde-chasse pour la commune, garde-pêche privé d'un propriétaire d'étangs. En ces moments, il arborait sa veste spéciale, ses guêtres et ses brodequins. "Veto" d'occasion pour les premiers soins aux bêtes : le véritable vétérinaire était loin, coûtait cher...

Personne d'autre ne savait comme lui castrer les jeunes cochons dans les fermes, planter le trocart d'une main assurée dans la panse des vaches un peu "folles" de trèfle rouge et gonflées par les gaz de fermentation ; "mineller" les mêmes jeunes porcs (fil de fer vrillé sur le groin) afin de les empêcher de fouiller leur territoire. On l'appelait aussi pour tuer le cochon devenu adulte ; le "fest an Hoc'h" était une vraie cérémonie familiale et conviviale au village et chacun après les ripailles emportait son morceau de "kig moc'h douss".

Plus tard, sous l'occupation, il présidait à l'abattage clandestin, à la tombée de la nuit d'un veau ou d'une génisse, opération strictement "verbotten" (interdite) par la Kommandantur et les autorités.

Ajoutons qu'il était dépositaire de l'"Ouest-Eclair", 3 exemplaires apportés par Lannig, le facteur, sans compter le samedi les hebdomadaires : "Le courrier du Finistère" et le "Petit Breton", vendus le dimanche à la sortie de la messe.

Etait-ce tout ? Ce n'est pas certain. Il fallait bien s'occuper, rendre service, être à l'écoute de tous, prodiguer de justes conseils, "konchenner" aux veillées, trinquer aux événements, heureux ou ... moins : du baptême à l'enterrement.

Alors, travailleur au noir, cumulard avant la lettre Yann ? Plutôt proche du RMiste en vérité, car il n'y avait rien de bien lucratif dans tout cela : les coups de mains bénévoles, ceux qui oubliaient ou ne pouvaient payer, et à qui on ne réclamait jamais rien.

Peut-être nous racontera-t-il prochainement quelques konchenn "deuz drenv ar vorredenn" (de derrière la haie) ?

"Evel se a oa ", tel était Yann ar bannour, un den disheñvel, un homme pas ordinaire ! On l'aimait bien.

 

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